C'est bien sûr le principal. Mais c'est aussi le point sur lequel il est important de ne pas se
retrouver prisonnier d'un programme. Aussi ne vous donnerai-je pas de mode d'emploi. En dehors de la
règle de dire tout ce qui se présente à votre esprit dans une écoute profonde des mots qui vous viennent,
mais aussi des sensations et des images, vous découvrirez chemin faisant ce qui sera votre propre
façon de travailler.
L'autonomie de la personne est l'un des buts de l'analyse jungienne et je considère comme essentiel que le
travail vous apprenne à reconnaître votre cartographie intérieure, vos montagnes infranchissables et les
chemins qui les contournent, les fleuves à traverser, les forêts où se ressourcer. Ce travail vous apprendra
aussi à sortir des peurs en apprenant à les reconnaître et à savoir quand il s'agit de peurs de
l'adulte qui sont des signaux à entendre absolument car ils parlent de la réalité actuelle, et quand il
s'agit de peurs de l'enfant qui parlent de sa réalité intérieure d'autrefois et que l'adulte doit devenir
capable de dépasser.
Je peux aussi préciser que l'analyse des rêves y est primordiale car, plus que tout, ce sont eux qui
indiquent vers quoi diriger le travail, où sont les points d'appui et les manques. Et comme l'inconscient
s'exprime aussi au travers des ressentis et symptômes du corps, et au travers des comportements et choix
(dont notre conscient perçoit bien qu'ils ne relèvent pas toujours de son libre arbitre...) toutes ces
expressions de l'inconscient sont prises en compte dans l'analyse jungienne.
Je vais aussi donner des éléments de réponse d'une façon jungienne : en faisant appel à deux contes.
La psyché est un organisme vivant.
Et comme tout organisme vivant, son but c'est de Vivre,
aussi pleinement qu'elle peut. Lorsqu'elle est trop entravée elle fait souffrir et oblige
à intervenir.
Entreprendre une psychothérapie ou une psychanalyse indique que vous entendez
cette souffrance et cet appel et que "quelque part" (c'est-à-dire du côté de votre inconscient)
vous savez que, même si vous ignorez encore comment, vous pouvez faire quelque chose.
Vous sentez aussi que vous seul(e) pouvez répondre à cet appel.
Depuis qu'un dragon sévit dans le royaume, la vie est paralysée.
Les marchands n'osent plus aller de village en village, les paysans ont peur de sortir cultiver leurs champs.
Le royaume souffre, manque, dépérit. La vie s'étiole.
Le roi comprend qu'il faut trouver un héros capable de vaincre ce dragon. Alors
celui qui pourra le débarrasser du dragon aura en récompense la princesse et deviendra ainsi roi.
Les princes, les comtes, les barons, enfourchent leur cheval.
Au grand galop, ils bousculent la vieille qu'ils croisent dans la forêt et qui leur demandait de l'aide
pour porter son fagot. Ils méprisent le corbeau blessé qui leur demandait de soigner son aile.
Bref ! A bride abattue il foncent sans regarder, ni entendre, ni comprendre. Et, arrivé devant le dragon,
chacun à son tour y perd la vie.
Quand tous les grands seigneurs ont échoué il ne reste plus que l'humble petit tailleur, le modeste troisième
frère. Il n'a pas de cheval. Il n'a aucune idée de comment on se débarrasse d'un dragon. Il ne sait même pas où
le trouver. La seule chose qu'il sait, c'est qu'il faut y aller, qu'il n'y a plus d'autre solution.
Alors il entre dans la forêt où il rencontre la vieille, et l'aide. Quand il la quitte, elle lui donne un
petit objet, une cuillère, une aiguille... Il soigne le corbeau et reçoit une plume en remerciement.
Il prend le temps de considérer ceux qu'il croise sur son chemin vers le dragon et de faire ce qui doit être
fait. Puis il poursuit son chemin enrichi d'un objet ou d'un conseil qu'il met dans sa besace.
Lorsqu'il arrive au château du dragon il découvre que la cuillère est une clé qui en ouvre la porte, et qu'en
agitant la plume il peut s'envoler pour échapper à un danger ou pour rentrer chez lui à la fin de l'histoire,
Grâce à sa capacité à reconnaître et à se saisir des aides et des outils tout au long de son chemin, il arrive
prêt et armé quand il doit faire face au dragon.
Il pourra épouser la princesse et devenir roi à la place de l'ancien roi.
Dit autrement...
Au cours de son aventure dans son inconscient, l'ancien Moi incapable de faire face au problème du Dragon, a
fait connaissance avec lui-même au travers de toutes ces rencontres sur son chemin. Il s'est engagé, il a agi
et a pris confiance. Il s'est transformé et est véritablement devenu capable de remplacer le vieux roi et de
régner sur un royaume dans lequel il a su ramener la paix et la prospérité...
Ce conte, qui nous est à tous plus ou moins familier, sera immédiatement parlant pour certains d'entre vous.
Pour d'autres il soulèvera des questions qui sont autant de portes à franchir.
Pour d'autres encore il suscitera une perplexité ou même un inconfort, comme pour dire qu'il y a par là quelque
chose qui les concerne mais qui n'est vraiment pas une partie de plaisir.
Pour tous, il invite le conscient à écouter ce que l'inconscient sait et a besoin de faire entendre.
Tendez l'oreille...
Il s'exprimera peut-être dans votre prochain rêve, ou bien dans une idée saugrenue qui vous viendra, ou encore
dans une image qui se formera sans prévenir.
Le plus souvent l'inconscient attend juste un signe, l'occasion pour rentrer en contact et en travail avec son
unique partenaire, le conscient, afin de résoudre les problèmes ou les souffrances rencontrées et relancer la vie
figée dans le royaume.
Nos plus puissants alliés comme nos pires ennemis sont en nous.
Il faut du courage pour aller
chercher les premiers et confronter les seconds. C'est pourquoi nous attendons souvent de ne plus
avoir le choix. Pendant ce temps nous laissons la souffrance transformer nos alliés en ennemis.
En étant suffisamment à l'écoute de notre inconscient, nous pouvons entendre quand l'un de nos
puissants alliés intérieurs est en souffrance dès ses premiers appels à l'aide.
Mais parfois ces premiers appels sont venus alors que nous étions encore trop petits pour les comprendre.
Parfois nous ne nous sommes pas sentis concernés et n'avons pas su que nous étions bien LA personne à
qui ils s'adressaient.
Mais quand nous faisons trop longtemps la sourde oreille, ce qui en nous souffre se met en colère.
Nous souffrons de plus en plus, nos relations se dégradent de plus en plus, notre corps est de plus
en plus malade. Nos alliés intérieurs nous font de plus en plus peur et nous les prenons pour des
ennemis en oubliant le début de l'histoire...
Un Esprit avait été enfermé dans une bouteille (ou dans une lampe si le conte est oriental et alors
on l'appelle un "génie") par un événement qui relève de l'histoire d'avant cette histoire
(histoire de parents, d'ancêtres, de pays, de cultures...).
Un jour, passant par là pour chercher du bois, notre héros (vous ?), un bûcheron
plein de rêves mais bien trop pauvre pour les réaliser, voit la bouteille et l'ouvre.
Alors un formidable Esprit s'en échappe et annonce qu'il va tuer celui qui vient de le libérer.
(Voilà donc notre pire ennemi. Vaudrait-il donc mieux le laisser enfermé et passer son chemin ?)
Notre bûcheron comprend qu'il a affaire à un être tout à fait extraordinaire mais ne cède pas à sa peur
(vous êtes prévenu(e), il faut du courage). Il réfléchit et l'idée lui vient de le mettre
au défi de rentrer à nouveau dans la bouteille pour prouver qu'il est bien aussi puissant qu'il le prétend.
Ce que fait le génie (et oui, il faut parfois ruser avec l'inconscient, se donner un peu de temps et de
recul). Ils peuvent alors parler à travers la paroi de la bouteille (le cadre des séances de thérapie).
La négociation débouche sur un accord : l'Esprit s'engage à ne faire aucun mal au bûcheron,
le bûcheron s'engage à libérer l'Esprit (nous pouvons négocier avec les forces hostiles de notre psyché)
. Le génie promet. Le bûcheron le libère.
Ils peuvent maintenant parler en bonne intelligence et l'Esprit confie que lorsqu'il avait été enfermé dans
la bouteille, il avait d'abord imaginé toutes les façons dont il récompenserait son sauveur, mais
les siècles passant, son désarroi, son aigreur puis sa colère transformèrent sa générosité en rage meurtrière.
Voilà comment, de bienfaiteur il était devenu ennemi mortel.
Voilà ensuite comment d'ennemi redoutable, grâce à la perspicacité du bûcheron, l'Esprit redevient un allié
extrêmement précieux.
L'Esprit libéré mettra ses immenses pouvoirs au service de celui qui l'a sauvé et l'aidera à se réaliser et à
devenir prospère. (les puissances enfermées en nous sont capables de telles choses)
La souffrance que notre histoire, que nous-même, imposons à nos alliés inconscients peut les
transformer en ennemis si nous faisons trop longtemps la sourde oreille.
Il est de notre responsabilité de les libérer et de nous enrichir de leur pouvoirs en échange de cette
liberté.
Cette libération se fait d'abord sous condition, c'est-à-dire dans le cadre d'une analyse et avec l'aide d'un
allié extérieur, l'analyste. Puis progressivement s'acquiert la capacité de dialoguer et d'interagir avec l'inconscient, en toute
autonomie, en bonne intelligence et en bonne compagnie, pour le plus grand bénéfice de notre psyché et de notre
être entier.